L’illusion est-elle nécessaire à la vie heureuse ?

Publié le par Sophie Richard-Lanneyrie

"Illusion" vient du latin « illudere » qui signifie « se jouer de », au sens de tromper, abuser. Mais l’illusion n’est-elle qu’une erreur, commise de bonne foi (ce qui la différencie du mensonge) et susceptible d’être corrigée ? Ou bien l’illusion est-elle un travestissement de la réalité ?

Si l’illusion était une erreur, elle serait susceptible d’être corrigée. C’est le cas lorsque nous faisons une erreur de calcul. Une machine ou une vérification nous prouve notre erreur et nous corrigeons notre opération.

Or, l’illusion, elle, persiste à toute réfutation. C’est ce que Spinoza explique dans « l’Éthique » en prenant l’exemple du soleil dont nous ne connaissons pas la vraie distance par rapport à la terre. Nous nous illusionnons à ce sujet et sommes dans le faux lorsque nous imaginons que « le soleil se trouve à 200 pieds environ de la terre ».

Cela devient problématique lorsque la personne s’imagine être dans le vrai, pensant sa perception juste, alors qu’elle ne se cantonne qu’aux apparences. Tels ces hommes enchainés au fond de la caverne dont nous parle Platon dans son « Allégorie de la caverne » (le livre VII de « La République ») qui pensent que ces ombres projetées sur la paroi sont des choses réelles. Et qui vont devoir sortir de la caverne, briser les chaines de leur illusion, et lui tourner le dos pour aller chercher, dehors, la vérité.

La complexité se trouve dans l’essence même de l’illusion qui séduit la personne qui y est confrontée la rendant dépendante d’elle. C’est ce qui a fait dire à Freud dans « l’Avenir d’une illusion » que l’illusion serait alors un désir refoulé dans l’inconscient. Elle serait alors liée aux désirs humains et ne pourrait donc pas être supprimée puisque correspondant à nos aspirations, imaginaires, les plus secrètes.

Mais alors, sans illusion, la vie serait-elle supportable ? Pour Pascal, dans ses « Pensées », le bonheur se trouve dans le divertissement qui permet aux hommes de se fuir eux-mêmes et « de ne point penser à leur propre misère ou à la mort ».

L’illusion serait donc nécessaire pour vivre une vie heureuse. « Il faut avoir foi en ce qui favorise la vie » nous dit Nietzsche dans le « Gai Savoir ». La vie « n’est faite qu’en vue de l’apparence ». La volonté de sortir de la caverne et de vouloir « la vérité à tout prix » répondrait à un besoin de sécurité.

Mais cette sécurité ne se trouve-t-elle pas justement dans l’illusion ? Et n’est-il pas parfois bien agréable de garder certaines croyances simplement parce qu’elles nous permettent de vivre heureux et en paix ?

 

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