Le cosmos physique d'Aristote

Publié le par Sophie Richard-Lanneyrie

Le cosmos physique d'Aristote

L'approche d'Aristote est très différente. Il réfléchit en physicien et critique les diverses opinions cosmologiques émises par ses prédécesseurs en présentant les arguments pour départager le vrai, le vraisemblable et le faux.

Il considère qu'il existe une différence fondamentale entre le domaine situé au-delà de l'orbite lunaire (le monde supra lunaire - Lune comprise) et le domaine situé en deçà de l'orbite lunaire (le monde sublunaire).

Le domaine supra lunaire est rempli par l'éther. C'est le domaine des astres, des mouvements cycliques et permanents, immuables et parfaits. Il ne subit aucune altération, aucune variation et est animé uniquement par des mouvements circulaires uniformes, qui ne connaissent ni début, ni fin. Les astres tournent parce que c'est la nature de l'éther de tourner en rond.

Au contraire, le domaine sublunaire, constitué à partir des quatre éléments (terre, eau, air et feu) et de leur combinaison, est celui des changements et des transformations continuelles. Il est structuré par l'opposition lourd-léger.

Selon Aristote, chacun des quatre éléments a un lieu naturel, dans lequel il peut demeurer en repos dans toute sa perfection : la Terre occupe la position la plus basse, puis vient l'eau, l'air et le feu. Chacun des quatre éléments possède également un mouvement naturel de translation rectiligne par lequel il regagne son lieu naturel lorsqu'il en a été séparé par violence : les lourds (la terre et l'eau) vont vers le centre de la Terre, confondu avec le centre de l'univers ; les légers (l'air et le feu) se dirigent vers la périphérie du monde sublunaire. Les éléments possèdent une qualité intrinsèque qui leur permet de regagner leur lieu pour rétablir à chaque instant la disposition naturelle et l'ordre du Monde.

Aristote affirme que la Terre se tient immobile au centre du Monde car le mouvement naturel des parties de la Terre aussi bien que de la Terre elle-même prise comme un tout tend vers le milieu du Monde.

Il rejette donc l'argument d'indifférence d'Anaximandre et de Platon pour promouvoir une raison physique. C'est parce que le centre de la Terre est uni au centre du Monde que l'équilibre de la Terre est vérifié. Pour prouver l'immobilité de la Terre, il avance l'argument suivant : si la Terre tournait, un objet lancé verticalement en l'air ne pourrait pas retomber au point de départ mais il devrait retomber bien à l'Ouest du point initial car pendant son trajet aérien le sol se déplacerait vers l'Est rapidement sous lui. Cet argument sera pendant très longtemps opposé aux partisans du mouvement diurne de la Terre jusqu'à ce que Galilée le réfute et explique sa non-validité au début du XVIIe siècle.

Pour prouver la sphéricité de la Terre, Aristote présente un argument physique : la tendance vers le bas de chaque portion de terre amène une agglomération, un tassement et une compression qui imposent que la Terre dans son ensemble ait sensiblement la forme régulière et symétrique de la sphère. Il ajoute également des indices sensibles de la sphéricité (voir la citation d'Aristote donnée en fin d'article) : lors des éclipses de Lune, l'ombre de la Terre projetée sur la Lune a une forme circulaire, ce qui ne peut être le cas que si la Terre est sphérique (cf., par exemple, Éclipse totale de Lune dans la nuit du 20 au 21 décembre 2010...) ; un déplacement même faible vers le Nord ou le Sud à la surface du globe amène un changement dans la configuration du Ciel. Ces indices prouvent également la taille modeste de notre planète relativement à l'Univers : la Terre n'est qu'un point devant les dimensions de la sphère des étoiles fixes et l'observateur, quel que soit sa position à la surface de la Terre, voit toujours les phénomènes célestes comme s'il était placé exactement au centre du Monde (en langage moderne, nous dirions que la parallaxe diurne est insensible).

Autour de la Terre, dans le domaine supra lunaire, se trouvent la Lune, le Soleil et les planètes. Aristote discute de leurs places respectives en s'appuyant sur les travaux des astronomes de son temps. Le principe communément accepté est qu'une planète est d'autant plus éloignée de la Terre que sa période sidérale est grande. La place du Soleil, de Mercure et de Vénus reste incertaine mais si l'on suit Platon, l'ordre supposé est le suivant : la Lune, le Soleil, Vénus, Mercure, Mars, Jupiter et Saturne (Figure 4). Pour rendre compte du mouvement des astres, Aristote reprend le système des sphères homocentriques d'Eudoxe avec les améliorations proposées par Callippe (IVe siècle av. J.-C.). Mais pour Aristote, les sphères ne sont pas des simples entités mathématiques, elles ont une existence physique, matérielle. Elles sont réelles, elles portent et entraînent les astres qui y sont fixés. Le système des sphères ne représente pas pour lui une modélisation mathématique du Monde mais une description physique.

Le Cosmos d'Aristote est parfaitement agencé. C'est un espace structuré en couches concentriques selon la théorie des lieux naturels. On peut retenir quatre idées principales :

Aristarque de Samos au IIIe siècle avant notre ère rejeta le système d’Aristote et en proposa un nouveau dans lequel le Soleil était le véritable centre du monde et où toutes les planètes, sauf la Lune, gravitaient autour de ce centre.

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